Verdon Underground

Au début du mois de juin 2020, entre les temps suspendus des confinements, la photographe marseillaise Céline Ravier venait exercer son art à l’entrée du Grand canyon. L’orage grondait, le Verdon roulait des eaux mauvaises, la brume et la pluie noyaient les lourdes forêts, emplissaient le vide entre les immenses parois. Il en résulte la magnifique série : Verdon underground. Dans un format carré, avec un léger travail d’ajustement des tons clairs et sombres, nous sommes d’abord étreints par cette vision cauchemardesque, très éloignée du Verdon familier, émeraude, déroulant son ruban enchanteur entre les parois éclatantes au soleil de Provence. Nous voyageons comme sous terre, rive droite, entre Castellane et le Point Sublime, et l’on se sent dépaysé, enjoints à revisiter ces paysages familiers comme s’ils étaient d’ailleurs, faits de forêts équatoriales, de rios amazoniens ou de tepuys du Venezuela. L’eau suinte de partout, celle sale et emportée du Verdon, celle de la pluie et celle en suspension dans les brumes. La roche noire, charbonneuse, menaçante, la végétation luxuriante et impénétrable, les hommes absents ou seulement présents dans leurs traces : l’asphalte luisant de la route, le parapet d’un pont. Les bêtes enfin, l’encolure d’un cheval esseulé et les vautours en ombres noires et tournoyantes pour rajouter à l’atmosphère fantastique.
A y bien réfléchir pourtant, cette vision originale, alternative, expérimentale, underground donc, touche à l’essence même de ce qu’est profondément le Verdon : un lieu extraordinairement sauvage où s'expriment les contrastes les plus violents. Des images sublimes au sens littéral du mot, c’est-à-dire au plus haut degré d’élévation, de grandeur, de noblesse et de beauté.

DAVID HENNEBELLE, ÉCRIVAIN ET HISTORIEN


"Il existe un Verdon calme. Celui du grand canyon sous le soleil de Provence. Celui des verticales d'étés aux couleurs de calcaire, de forets d'émeraudes, de vires emplies de vide et de balcons sublimes, forcément sublimes. Un Verdon comme un torrent rare, entrouvrant des millions des mètres cubes de vide et de beauté au cœur des plateaux de Haute Provence. Il existe aussi un Verdon en furie : celui des orages et des tempêtes soudaines. Ces images lui doivent tout. Il ne leur manque qu'une dimension inouïe : celle du son, surhumain, du tonnerre courant dans ses entrailles. Une vague immensément grave, courant en quelques secondes sur des kilomètres et des kilomètres d'espace. Un "plein" submergeant le "vide" du canyon. Une avalanche d'échos avalant absolument tout l'espace, avant de s'effacer soudainement pour ne plus laisser que le silence si fragile de la pluie... Volutes de brume. Éclairs et lumières. L'orage, comme un spectacle terrifiant de beauté et de force du Verdon."

JEAN MARC PORTE, JOURNALISTE